News | 14 avr 2023

L'emploi dans l'agriculture italienne : quelle visibilité pour les femmes ?

Le centre de politique et de bioéconomie (CREA), dans le cadre du Réseau rural national, a organisé une série de rencontres sur le thème « Droits, développement et ruralité : la force collective des femmes ».

Afin d'améliorer la visibilité des femmes et de leur rôle dans les zones rurales et de soutenir les démarches susceptibles de surmonter les principaux défis structurels qui privent les femmes de leur pouvoir et les discriminent, le centre de politique et de bioéconomie (CREA) a organisé, dans le cadre du Réseau rural national, une série de rencontres sur le thème « Droits, développement et ruralité : la force collective des femmes ». Le groupe de travail sur l'égalité des genre est composé de Catia Zumpano, Barbara Forcina, Annalisa Del Prete, Maria Carmela Macrì, Lucia Tudini et Grazia Valentino.

Les rencontres ont porté sur :

  • le droit des femmes à l'indépendance économique, en mettant l'accent sur les éléments clés qui caractérisent le travail des femmes (indépendantes ou salariées), tels que la protection de la santé et de la sécurité au de travail ou la garantie d'une rémunération équitable
  • le droit des femmes à l'égalité d'accès à :
    •  un système public local fournissant des infrastructures et des services de base répondant aux normes nationales
    • une participation active aux processus décisionnels, politiques et économiques 
    • des programmes de formation et des informations sur les dynamiques économiques et sociales actuelles.

Les interventions et débats ont mis en évidence les pratiques du secteur primaire (agriculture, élevage et pêche) et leurs synergies avec les différentes composantes des systèmes économiques locaux. Ils se sont appuyés sur les témoignages et les preuves apportés par les associations et les communautés académiques et institutionnelles.

Afin de soutenir et de renforcer la voix des femmes, les rencontres ont été organisées conjointement avec des syndicats et des organisations professionnelles de femmes, des associations économiques, des institutions locales et des représentants de la société civile.

Les présentations et les résultats des rencontres peuvent être consultés sur le lien ci-dessous :

https://www.reterurale.it/flex/cm/pages/ServeBLOB.php/L/IT/IDPagina/24029

 

PREMIÈRE RENCONTRE : « Le rôle des femmes dans la pêche et l'aquaculture » (Viareggio, 13 juillet 2022)

La première réncontre s'est tenue à Viareggio et concernait le secteur de la pêche et de l'aquaculture. Le but était d'identifier les besoins et de vérifier si les politiques et la législation répondent aux besoins identifiés. Ont participé à la réunion des femmes engagées dans le secteur, les Groupes d'Action Locale de Pêche de Toscane (FLAG), des syndicats, des associations professionnelles et des représentants de l'administration régionale.

Bien que le secteur soit traditionnellement perçu comme un « domaine masculin », les femmes y jouent un rôle clé, souvent méconnu et sous-payé. Les femmes restent principalement « sur le terrain », exerçant des activités aussi importantes que la pêche elle-même, à savoir la comptabilité, le marketing, les relations avec les fournisseurs et les banques, la gestion de l'administration. Elles sont souvent les principales vectrices d'innovation, de nouvelles technologies et d'équipements. Grâce à leurs efforts, les femmes contribuent à faire face aux énormes difficultés que connaît le secteur. Néanmoins, elles ont l'impression de « monter des marches différentes sur le même escalier » et de ne pas avoir la reconnaissance qu'elles devraient avoir. Un changement culturel serait nécessaire pour faire comprendre que les tâches accomplies par les femmes contribuent à la chaîne de valeur ainsi qu'à la pêche elle-même. Cette nouvelle approche culturelle pourrait rapprocher l'Italie des pays d'Europe du Nord où les femmes entrepreneurs dans le secteur de la pêche sont plus nombreuses et mieux reconnues.

Tout d'abord, il serait nécessaire de promouvoir la connaissance autour de la présence des femmes dans le secteur en prévoyant une activité de suivi spécifique au sein de l'Observatoire national de la pêche.

En outre, des mesures pourraient être adoptées pour améliorer les compétences des femmes et augmenter la qualité de leur participation, et pour offrir aux jeunes femmes la possibilité d'entrer dans le secteur.

L'intégration totale doit être soutenue, y compris en encourageant la création et la consolidation d'associations et de réseaux d'entrepreneurs du secteur de la pêche.

D'un point de vue réglementaire, il serait opportun de procéder au plus vite à la reconnaissance de la figure de « l'adjuvant », déjà envisagée dans l'agriculture, et de se focaliser sur les pêcheuses pratiquant la pêche artisanale pour assurer la garantie et la protection de leurs droits.

Employment in Italian agriculture: what visibility for women?

DEUXIÈME RENCONTRE : « Développement, ruralité et droits : questions de genre » (Alvito, 19-20 juillet 2022)

La deuxième réunion s'est tenue à Alvito, une municipalité située dans une zone interne de la région de Lazio. Le lieu a été choisi pour mieux mettre en lumière les difficultés rencontrées par les zones internes en raison de leur manque d'accessibilités aux services et de la faible reconnaissance des droits des femmes. Pendant longtemps, les droits des femmes dans l'agriculture n'étaient pas reconnus car le travail des femmes était considéré comme marginal ou, au moment où les hommes ont abandonné la campagne au profit de meilleures opportunités dans les usines urbaines, comme un remplacement médiocre du travail des hommes. Le chemin vers l'émancipation des femmes était long, en parallèle aux profonds changements sociaux survenus en Italie depuis les années 50.

Jusqu'en 1964, le « coefficient de Serpieri » stipulait que la productivité des femmes était inférieure à celle des hommes et qu'elles pouvaient donc être moins bien payées que ceux-ci pour une même tâche. Le coefficient Serpieri a été supprimé grâce aux mouvements sociaux qui ont radicalement changé la société italienne et l'agriculture.

Aujourd'hui, bien que de nombreux progrès aient été réalisés, le rôle des femmes dans le développement des zones rurales est encore mal compris, en particulier par les décideurs politiques. Tout d'abord, le travail des femmes ne bénéficie pas d'une visibilité statistique suffisante. Les acteurs politiques et institutionnels n'affirment pas clairement que les questions de genre concernent à la fois les femmes et les hommes et que le fait de soutenir les femmes profite à l'ensemble de la société.

Ensuite, la sensibilisation ne suffit pas pour faire face aux urgences environnementales, à la dépopulation et/ou à la solitude des entrepreneurs désireux d'exercer leur activité dans les zones rurales.

Le partage d'une vision commune (une vision à long terme), d'une mission (une stratégie de développement) et d'une passion (consacrer du temps et des connaissances) est nécessaire pour garantir un développement socio-économique durable.

Au cours de la réunion, le film « In questo mondo » (« Dans ce monde ») a été projeté en présence de son autrice et réalisatrice Anna Kauber. Le film montre la vie quotidienne de quelques bergères filmées par la réalisatrice alors qu'elle vivait avec elles pendant un certain temps.

https://pro.festivalscope.com/film/in-this-world

 

Employment in Italian agriculture: what visibility for women?

TROISIÈME RENCONTRE : « L'entreprenariat féminin dans l'agriculture : accélérations et retards » (Rome, 8 novembre 2022).

La réunion s'est tenue à Rome et a permis de partager et de discuter des données provenant de différentes sources institutionnelles : l'Institut national des statistiques (ISTAT), l'Unioncamere (le Conseil public qui unit et représente les chambres de commerce italiennes) et le RICA, ainsi que de l'histoire de deux femmes entrepreneurs.

Bien que la présence de l'entreprenariat féminin dans l'agriculture se renforce, les données montrent la persistance d'un écart important entre les sexes, notamment en ce qui concerne le revenu net inférieur des exploitations agricoles dirigées par des femmes, comme le montrent les données du RICA. Ce résultat est probablement dû à la plus faible dotation en capital ainsi qu'à la plus faible présence des femmes dans le segment le plus rentable, à savoir le bétail, qui est considéré comme moins adapté à celles-ci.

Les données du recensement rapportées par l'ISTAT ont mis en évidence un point qu'il convient d'étudier : les femmes ont une plus faible propension à innover.

Globalement, selon les données de l'Unioncamere, l'entreprenariat féminin est plus fragile. En effet, après la crise COVID-19, le taux de survie des entreprises féminines est inférieur à celui des entreprises masculines.

Pour stimuler le potentiel féminin, il est nécessaire de lever les obstacles à la capitalisation des exploitations, d'améliorer l'accès au crédit, voire d'agir sur la résistance culturelle des femmes à se tourner vers la banque, ainsi que d'améliorer les compétences des femmes, en particulier dans les domaines numérique et financier.

Employment in Italian agriculture: what visibility for women?

QUATRIÈME RENCONTRE : « L'emploi dans l'agriculture. Quelle visibilité pour les femmes? » (Bari, 14 décembre 2022)

Le séminaire s'est tenu dans les Pouilles en raison à la fois de l'importance des travailleurs salariés dans l'agriculture, et à la fois des mauvaises conditions souvent offertes sur le marché du travail agricole régional. Il a été organisé en collaboration avec ActionAid Italia. CREA et Action Aid travaillent conjointement pour améliorer l'inclusion sociale et la participation démocratique des femmes intra-UE employées dans l'agriculture dans le sud de l'Italie et pour stimuler l'adoption de systèmes de gouvernance participatifs (PuP).

L'image qui s'est dégagée des témoignages et des interventions des experts confirme l'existence d'une « double faiblesse » des femmes employées dans l'agriculture, à la fois en tant que travailleuses agricoles et en tant que femmes.

Dans les pays où le revenu par habitant est le plus élevé et où le secteur agricole est le plus productif et le plus professionnel, les conditions de travail et les perspectives économiques des travailleurs employés dans l'agriculture sont pires que dans les autres secteurs de l'économie. En Italie, le dernier recensement de 2020 montre que même si le nombre de travailleurs salariés a augmenté de 38 % par rapport à 2010 et que leur part dans le marché total est passée de 24 % à 47 %, le nombre de jours de travail annuels normalisés pour la main-d'œuvre salariée reste faible (53 %) et identique au niveau de 2010. En outre, les statistiques nationales de 2019 évaluent le salaire horaire à 9,2 euros, soit un peu plus de la moitié de la moyenne du marché, qui est de 17,2 euros. Dans ce contexte de faible pouvoir de négociation, les femmes sont encore plus affaiblies que les hommes. En outre, elles doivent faire face aux difficultés de concilier vie familiale et vie professionnelle et, trop souvent, à la violence et aux abus.

Les femmes ont une faible visibilité, le manque général d'information qui caractérise l'agriculture du fait de son manque d'importance sur l'ensemble de l'économie est aggravé par la faible capacité des femmes à faire valoir leurs besoins. En conséquence, les actions publiques, en termes de politiques et de publications, ne peuvent pas répondre aux besoins spécifiques des femmes.

Au cours de la réunion, une vidéo a montré la représentation des femmes rurales dans le sud de l'Italie dans les années 50 par Nicola Ciletti (1883 -1967), un photographe et peintre très sensible au thème de la ruralité et de ses habitants les plus pauvres, en particulier les femmes. https://www.youtube.com/watch?v=MtLdK-JeBe0

 

Employment in Italian agriculture: what visibility for women?

Les mots clés issus des rencontres

Les mots clés qui ressortent de la rencontre sont :

  • la connaissance : il est nécessaire de mieux comprendre les besoins des femmes en zone rurale. Il est important de trouver de nouveaux moyens et de nouvelles opportunités pour recueillir les besoins des femmes et de lutter contre leur invisibilité en mettant en œuvre à la fois leur capacité à exprimer leurs besoins et la volonté des autorités de les recueillir
  • les besoins : de services et de formation. Outre la nécessité d'améliorer les services capables de soutenir les femmes dans les soins familiaux, qui reposent encore principalement sur celles-ci, il est nécessaire d'améliorer leurs compétences professionnelles pour éviter le risque de perdre la possibilité de développer une agriculture avancée
  • en réseau : il est nécessaire de renforcer les relations. L'intitulé « La force collective des femmes » a été choisi pour faire passer le message.

 

Les présentations et les détails des séminaires sont disponibles sur ce lien.

Visitez également les sites web du projet BRIGHT (sur les droits des femmes dans l'agriculture) et Labsus, qui a conservé les « Pactes pour la collaboration » dans l'agriculture utilisés par le projet BRIGHT.